Les mystères du Boudoir Massena
Adossée à l'Église du 12e siecle Saint Hermeland, entourée d'un jardin de style romantique, bienvenu, cher visiteur, à la maison Massena de Bagneux!
Construite comme presbytère par le Chanoine François de Chabanne de Rohde en 1761, elle est vendue comme bien national en 1792. Au début du XIXe siècle le général Augereau l'acquière pour y loger ses maîtresses puis vendra la maison en 1808 à un de ses amis, avec lequel il s'était illustré lors de ses campagnes d'Italie, le taciturne mais brillant meneur d'homme : le maréchal d'empire André Massena.
En réalité le contrat de vente stipule que l'acheteur est une certaine Eugénie Renique, charmante jeune femme d'environ 28 ans, fille de fermier général ruiné par la Revolution. Montée à Paris à l'âge de 20 ans, elle rencontre le général Massena en 1801 alors qu'elle est danseuse à l'Opera de Paris près du Palais Royal. 20 ans les séparent. Pourtant, leur amour va durer. Très attaché à elle, Massena obtiendra le privilège de la faire venir avec lui dans ses diverses campagnes. A la seule condition d'être habillée en homme.
Ici, dans ce lieu, Eugénie s'attachera à faire de la maison un nid accueillant pour son amant. Elle ajoutera l'aile que vous voyez et décorera le Boudoir, seul témoignage de cette époque qui s'achèvera en 1814 lorsque Eugénie revendra la maison pour retourner dans son nord natal, séparée de l'homme de sa vie.
Mais, tout d'abord qu'est-ce qu'un boudoire ? Le Boudoir de "bouder", se mettre à l'écart, est une pièce comprise entre la salle à manger et le salon. Les femmes s'y retirent souvent pour causer entre elles. Mais, après le Marquis de Sade, le Boudoir acquière une réputation sulfureuse. C'est le lieu où on parle d'amour. La décoration le rappelle à chaque endroit de façon plus ou moins voilée, mystérieuse.
Tout d'abord l'emplacement du boudoir est original, il donne sur la rue, Eugénie pouvait épier les venues de son amant. Le style de la décoration des panneaux de bois avec des aiguieres encadrées d'oiseaux, rappelle le style étrusque très en vogue pendant toute la seconde moitié du 18e siècle. La découverte des ruines de Pompéï avaient entraîné un engouement pour les décors peints à la façon romaine qui rappelaient l'Arcadie paradisiaque décrite dans les pèmes de Virgiles. Les fenêtres romane font penser à ces maisons italiennes que Massena a vues lors de ses campagnes en Toscanes et au Nord de l'Italie.
Toutefois, cet endroit relativement sobre, comme le montre le choix d'un modeste plancher à chevron plutôt que "français" c'est-à-dire carré , recèle de nombreuses enigmes : les initiales ... les objets représentés, les espèces d'oiseaux...les étoiles de David... les religions à mystère, à une époque, où, avec l'expédition d'Égypte, on re-découvrait les pharaons, étaient très à la mode.
Enfin, le visage de la jeune femme est-il celui d'Eugénie Renique ? Il est permis d'en douter, Eugénie était brune. De plus le dessin n'est pas achevé, est-ce intentionnel, où est-ce à cause de l'interruption des travaux due à la vente précipitée de la maison en 1814 ? Ce portrait devait-il faire face à celui de Massena ? Ou condamné comme Narcisse à voir pour l'éternité, son reflet dans le miroir d'en face?
L'alternance de symbole féminins et masculins le choix des couleurs, le visage de la jeune femme rappelle cet amour interdit qui s'est achevé pas la séparation des deux amants.